ANSES - Le Magazine

January 2021

Numéro 92 Articles périodiques publiés en 2021

Au sommaire

Brèves

Article Botulisme bovin : importance de la biosécurité pour prévenir les contaminations croisées avec les ateliers de volailles
Article Diffusion en 2020, dans les élevages de porcs du nord-ouest de la France, d’un virus influenza porcin H1avN2 d’un génotype nouvellement introduit en Bretagne

La surveillance évènementielle des virus influenza A porcins (swIAVs) menée en France depuis le début des années 2000 montrait, jusqu’en 2018, une prédominance des virus de sous-types H1avN1 et H1huN2, lesquels comptaient en moyenne pour environ 65 % et 20-25 % des virus identifiés chaque année (Chastagner et al., 2020). En 2019, le nombre de cas de grippe dus à des souches H1huN2 a diminué, mais le nombre de virus H1avN2 a augmenté, ce qui a conduit à une légère modification des proportions des divers sous-types viraux. En 2020, le nombre total d’épisodes grippaux investigués par le réseau national Résavip, par Ceva Santé Animale ou par l’Anses (lors d’audits spécifiques) a nettement augmenté, conduisant à l’identification de 219 souches virales entre janvier et mi-novembre 2020, presque deux fois plus qu’en 2019 sur douze mois (119 souches) ou que les années précédentes (139 en 2018 et 110 en 2017). Les proportions des différents lignages de swIAVs, dont l’hémagglutinine (HA) et la neuraminidase (NA) ont été caractérisées par sous-typage moléculaire, apparaissent fortement modifiées puisque parmi eux on décompte 133/219 H1avN2 mais seulement 63/219 H1avN1 et 12/219 H1huN2. La proportion de H1N1pdm (9/219) a également diminué, en dépit d’un nombre stable de foyers d’infection par ce virus comparativement à 2019, et deux souches réassortantes H1pdmN2 ont été identifiées.

Articles

Article Revue des facteurs de risque spatialises de transmission du virus de l’influenza aviaire hautement pathogène H5N8 en France en 2016-2017

Avec un total de 484 foyers en élevages de volailles sur une période de quatre mois, la France a été le pays européen le plus sévèrement touché par l’épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) H5N8 de l’hiver 2016-2017. Les foyers ont été principalement reportés dans des élevages de canards à foie gras (81,6 %) situés dans le sud-ouest de la France. Alors que le virus aurait été introduit dans le pays via des oiseaux migrateurs infectés en provenance du nord de l'Eurasie, les foyers apparus par la suite seraient probablement associés aux mouvements de lots de canards infectés avant la mise en place de mesures de contrôles sur les mouvements par les autorités françaises. Les oiseaux sauvages et la voie aéroportée sembleraient avoir joué un rôle mineur dans la dissémination du virus entre élevages. De manière plus générale, la propagation spatiale de la maladie serait majoritairement expliquée par des événements locaux de transmission d'un élevage à un autre au début de l’épizootie, puis par des sauts de transmission à longue distance vers la fin de l’épizootie. L’épizootie a finalement été contenue à la fin du mois de mars 2017 après l'application de mesures de contrôle très strictes, incluant un abattage préventif et des restrictions de mouvements de lots afin d’endiguer la propagation du virus H5N8.

Article La migration des anatidés : patron général, évolutions, et conséquences épidémiologiques

Les migrations sont un évènement clé du cycle annuel de nombreuses espèces d’oiseaux. Elles peuvent se heurter aux activités humaines (pollutions lumineuses, altérations des aires d’accueil des oiseaux). Certains oiseaux migrateurs sont les hôtes potentiels d’un certain nombre d’agents pathogènes pouvant potentiellement affecter la santé animale et humaine, et avoir des conséquences économiques majeures. Les anatidés (canards, oies et cygnes) sont connus pour véhiculer en particulier l’influenza aviaire, qui peut menacer les élevages avicoles. Leurs migrations ont été particulièrement étudiées, ce qui en fait un modèle épidémiologique intéressant pour comprendre le rôle des oiseaux en général dans la propagation des maladies. Cet article décrit l’immense étendue géographique fréquentée en Eurasie et en Afrique par les anatidés présents en France à un moment ou à un autre de leur cycle annuel. Il expose également les différents comportements migratoires et autres mouvements de ces oiseaux, ainsi que la manière selon laquelle le changement climatique affecte aujourd’hui ces déplacements, afin de mieux comprendre comment ce phénomène biologique majeur peut être impliqué dans la transmission de certaines maladies et l’exposition de la France à cet égard.

Article Diarrhée épidémique porcine : éléments d’épidémiologie descriptive et analytique a l’étranger et en France depuis sa re-émergence en 2014

La diarrhée épidémique porcine (DEP) apparue en Europe à la fin des années 1970 est due à un alpha-coronavirus appelé virus de la diarrhée épidémique porcine (vDEP). Une ré-émergence du virus conduisant à des épizooties sévères a été rapportée en Asie à partir de 2010, puis en Amérique à partir de 2013. Deux génotypes de souches de vDEP, se différenciant par des insertions/délétions dans le gène S, ont été isolés et circulent toujours actuellement dans ces régions. Ils regroupent d’une part les souches « S-InDel » moyennement virulentes présentes sur tous les continents, notamment en Europe y compris la France, et d’autre part les souches « S-non-InDel » hautement virulentes qui circulent en Asie et sur le continent américain uniquement. Les porcs infectés par le vDEP sont sujets à d’importantes diarrhées aqueuses ainsi qu’à des vomissements parfois accompagnés de signes de déshydratation. Les conséquences de la maladie sont particulièrement importantes en cas d’infection par une souche « S-non-InDel », la mortalité pouvant atteindre 100 % chez les porcelets sous la mère. La maladie sous sa forme hautement virulente est un danger sanitaire de catégorie 1 (DS1) en France, alors que sous sa forme moyennement virulente il s’agit d’un DS2 nécessitant une déclaration obligatoire et la mise en place de mesures de gestion par les professionnels. Une surveillance évènementielle est mise en place depuis 2014 pour la détection des évènements sanitaires pouvant être en lien avec le vDEP. Depuis 2014, la France a été confrontée à un nombre limité de foyers déclarés (7) qui étaient tous liés à des virus moyennement virulents « S-InDel ». Ils ont été assainis par des mesures de compartimentation, d’hygiène renforcée et de biosécurité, sauf pour un foyer qui a fait l’objet d’un dépeuplement. Par ailleurs, la situation épidémiologique sur le territoire français semble favorable au regard des résultats des enquêtes de séroprévalence nationales réalisées aux étages production et sélection-multiplication en 2018. Les souches hautement virulentes continuent de circuler en Asie et en Amérique du Nord et la vigilance doit être maintenue à l’égard de ces souches qui ont un potentiel de propagation considérable et auraient un impact économique très important sur la filière

Article Un cas de pullorose dans un élevage de cailles de chair en 2019

En juillet 2019, un foyer de pullorose a été signalé dans un élevage de cailles dans l'ouest de la France. Un premier épisode avait été détecté sur ce même site quelques mois plus tôt. Compte tenu de son caractère exceptionnel et de l'importance des conséquences économiques potentielles de la pullorose, des investigations épidémiologiques et microbiologiques ont été menées en collaboration étroite avec le vétérinaire sanitaire, les services de l’Etat et l’éleveur. Salmonella Gallinarum et Salmonella Infantis ont été isolées à partir d'échantillons prélevés sur des oiseaux du site infecté. S. Infantis a aussi été isolée dans les prélèvements d’environnement avant et après les opérations de nettoyage et désinfection, ainsi que sur des ténébrions isolés dans le bâtiment à l’issue des opérations de décontamination. Une résurgence du premier épisode par transmission horizontale de S. Gallinarum est l’hypothèse la plus probable, confortée par la comparaison des souches isolées au cours des deux épisodes. La politique d'éradication drastique mise en place dans les années 1970 a permis d'éliminer cette maladie, cependant elle peut encore réapparaître de manière très sporadique dans les élevages de volailles. La vigilance de tous les acteurs des filières avicoles reste de mise et une sensibilisation à sa détection apparait nécessaire.

Article Approche combinée d’analyses de séries temporelles et génomiques / exemple de la détection d’une augmentation de la présence de Salmonella Goldcoast en filière avicole

Les salmonelles, bactéries ubiquitaires, représentent la deuxième cause la plus fréquente de toxi-infections alimentaires bactériennes en France et en Europe. Dans ce contexte, l’Anses exerce une activité de surveillance de la chaîne alimentaire via le réseau Salmonella qui centralise, depuis plus de vingt ans, des résultats de sérotypage de salmonelles d’origine non humaine. Un outil statistique d’analyse de séries temporelles a été développé pour analyser ces données de surveillance. Il permet de détecter précocement des augmentations inhabituelles de la présence de certains sérovars aux niveau national, régional ou encore dans une filière spécifique, susceptible de présenter un risque pour le consommateur. Le couplage de cette approche statistique et de l’analyse génomique des souches permet de caractériser finement ces évènements inhabituels d’un point de vue épidémiologique. Cet article décrit un exemple de cette approche combinée déployée suite à l’augmentation inhabituelle de la détection de Salmonella Goldcoast au cours de la période 2018-2019 en France. Les analyses épidémiologiques et génomiques ont mis en évidence un cluster majoritaire lié à la filière avicole.

Article Evaluation Oasis du dispositif de surveillance des salmonelles en alimentation animale (association OQUALIM)

L’évaluation régulière d’un système de surveillance permet de s’assurer qu’il fournit des informations de qualité, utiles pour l’expertise et la prise de décision. Elle permet également au système évalué de se positionner dans une démarche de progrès continue et volontaire. L’évaluation permet de vérifier l’atteinte des objectifs définis en amont, d’identifier les forces et faiblesses du système, de proposer des améliorations et d’en évaluer l’impact.

L’association Oqualim s’est portée volontaire pour que soit évalué son dispositif de surveillance des salmonelles en alimentation animale. Cette évaluation semi-quantitative a été réalisée à l’aide de l’outil Oasis, dans le cadre des travaux du groupe de travail pour l’optimisation nationale des dispositifs d’épidémiosurveillance des Salmonella (Ondes). Ce groupe de travail émane des deux plateformes nationales dédiées à l’épidémiosurveillance en santé animale et à la surveillance de la chaîne alimentaire.

L’évaluation réalisée confirme le bon fonctionnement du dispositif par rapport aux objectifs initialement fixés au niveau du secteur professionnel. Elle en souligne les points forts tels que sa stabilité, sa couverture de surveillance et son taux élevé de réalisation.

Les principaux axes d’amélioration identifiés s’inscrivent dans une stratégie de contribution à l’optimisation du système français de surveillance des salmonelles tout au long de la chaîne alimentaire. La mise en place d’un comité scientifique et technique mobilisant des compétences externes en épidémiologie, d’une procédure de vérification des données, d'un suivi des méthodes mises en œuvre dans les laboratoires contribuerait à ces améliorations.

Article Contextes sanitaire et économique en médecine vétérinaire et utilisation d'antibiotiques en France en 2020

Une enquête web a été mise en place auprès des praticiens vétérinaires en France. En se référant à leur propre pratique, les 467 vétérinaires ayant participé ont considéré l’évolution de leurs prescriptions d’antibiotiques en 2020 par rapport à 2019, ainsi que l’évolution de l’incidence de certaines maladies par espèce animale. Les prescriptions d’antibiotiques ont été majoritairement considérées comme stables ou en diminution, alors que les recours aux vaccins et aux alternatives aux antibiotiques ont été majoritairement perçus comme étant en augmentation ou stables. Plusieurs facteurs pouvant expliquer des évolutions d’usage des antibiotiques ont été identifiés : conditions météorologiques, épidémies, ruptures d’approvisionnement de médicaments, développement de cahiers des charges « Sans Antibiotique » …

Les informations recueillies dans cette enquête permettront notamment de mieux interpréter certaines évolutions observées dans le suivi national des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques. Connaître les facteurs susceptibles d’influencer l’usage des antibiotiques prescrits par les vétérinaires dans les différentes filières animales en France apporte des éléments utiles dans la lutte contre l’antibiorésistance.

Article Evolution du foyer de brucellose chez le bouquetin des Alpes dans le massif du Bargy, Haute Savoie, entre 2012 et 2020

Un foyer de brucellose à Brucella melitensis biovar 3 a été détecté en 2012 dans le massif du Bargy (Haute-Savoie) et concerne principalement la population de bouquetins des Alpes (Capra ibex), une espèce protégée. Depuis 2012, cette situation inédite a fait l’objet de mesures de surveillance et de lutte ainsi que de travaux de recherche basés sur des suivis démographiques et épidémiologiques de la population. Ces travaux ont montré que la dynamique de transmission est hétérogène, spatialement et entre classes démographiques : l’infection se concentre dans la zone cœur du massif et les femelles jouent un rôle prépondérant dans la transmission. Les résultats suggèrent en outre que la voie d’infection majoritaire est liée aux avortements et aux mises-bas brucelliques, la voie vénérienne jouant un rôle moindre. De 2012 à 2020, la séroprévalence de la brucellose chez les femelles en zone cœur a baissé de 50 % à moins de 15 %, et la force d’infection (taux auquel les individus sensibles s’infectent) a diminué. Une réduction de la taille de la population de bouquetins, liée notamment aux mesures de lutte, a été observée entre 2012 et 2016, avant une stabilisation autour de 370 individus. L’amélioration de la situation épidémiologique et l’accumulation des connaissances sur le fonctionnement de l’épidémie permettent d’envisager une stratégie de gestion adaptative pour gérer l’infection chez les bouquetins mais aussi pour les autres espèces sauvages et domestiques concernées ainsi que pour l’Homme.

Article Caméra thermique à infrarouge, un nouvel outil apicole pour détecter les mortalités hivernales ?

Au cours de l’hiver, les colonies sont capables de maintenir une température quasi-constante et relativement élevée au sein de l’essaim, ce qui leur permet de survivre pendant la saison froide. A cause des faibles températures extérieures, les apiculteurs n’ont pas la possibilité d’observer et de surveiller leurs abeilles car l’ouverture des ruches causerait un choc thermique important et dangereux. Les apiculteurs se trouvent alors contraints de constater les pertes hivernales uniquement au printemps, lors de la reprise d’activité des colonies. Afin d’améliorer la détection précoce de ces mortalités de façon non-intrusive, nous avons examiné le potentiel des caméras thermiques à infrarouges comme nouvel outil apicole. Les premiers résultats suggèrent qu’elles pourraient être utiles pour suivre la survie des colonies.