Numéro 43 Bulletin épidémiologique
Editorial
La surveillance des maladies animales d’importance sanitaire et/ou économique nécessite d’articuler les activités d’évaluation et de gestion des risques conduites au niveau national ainsi qu’à l’échelon des réseaux régionaux et internationaux (OIE, FAO, OMS, ECDC, EFSA), afin de prendre en compte la dimension transfrontalière de ces maladies infectieuses et d’anticiper les risques. Cette nécessité est renforcée ces dernières années par l’accélération des émergences ou ré-émergences de maladies infectieuses dues à l’augmentation des mouvements animaux et des personnes, aux échanges de produits animaux, aux changements environnementaux et climatiques provoqués par la croissance démographique et la pression importante qui en résulte sur les milieux naturels et les agroécosystèmes. Ces évolutions de la dynamique des maladies infectieuses et parasitaires questionnent divers porteurs d’enjeux des filières de production, de la gestion du risque et de la santé animale, ainsi que de la recherche qui doit se saisir de ces thématiques pour en expliquer les principaux déterminants et, le cas échéant, prévoir les évolutions futures.
La France a la particularité d’exercer ses activités vétérinaires sur le territoire métropolitain ainsi qu’en milieu tropical, dans les départements et territoires d’Outre-mer situés dans les régions Caraïbe, Océan Indien et Océan Pacifique. Le milieu rural garde dans ces territoires une importance culturelle et économique majeure avec des populations qui tirent pour une grande part leurs revenus d’une pluriactivité dans laquelle l’agriculture et l’élevage ont une part très significative. L’élevage a une multifonctionnalité qui va de l’autoconsommation à la commercialisation plus ou moins organisée en filières, et il assure une fonction d’épargne dans bien des cas. Le contrôle des maladies animales endémiques ou émergentes est donc essentiel pour les économies fragiles de ces milieux insulaires.
Les départements et territoires d’Outre-mer jouent un rôle privilégié de plates-formes européennes avancées en milieu tropical pour la recherche et la surveillance des maladies émergentes. Le niveau de développement technologique et la qualité des infrastructures de recherche permettent d’organiser des réseaux régionaux de santé animale autour des départements d’outre-mer comme le réseau CaribVET dans la région Caraïbe et le réseau AnimalRisk dans l’Océan Indien. Ceux-ci sont en lien avec les organisations internationales gérant la santé animale que sont l’OIE et la FAO, et de façon croissante avec l’OMS pour ce qui concerne les zoonoses dans un esprit « One health ». Ces réseaux qui regroupent les services vétérinaires et leurs partenaires publics et privés impliqués dans la surveillance sanitaire constituent une base pour le développement d’observatoires de santé, où il devient possible d’aborder à des échelles régionales des questions complexes telles que l’émergence des maladies infectieuses, dont les déterminants sont multiples: évolution des agents pathogènes et de leurs vecteurs, bio-écologie des vecteurs, changements environnementaux et socio-économiques. Dans ces réseaux et observatoires, chaque île ou territoire offre des environnements contrastés par rapport à ses voisins, ce qui permet la conduite d’études comparatives. Inversement, les résultats de la recherche (diagnostic, modèles de risque…) peuvent être rapidement transférés chez les gestionnaires de la santé avec un impact régional.
L’Outre-mer français, malgré un éloignement de la métropole qui peut poser des problèmes de masse critique, occupe une position importante au sein de son environnement régional et stratégique dans l’organisation des systèmes de santé vétérinaire, en lien croissant avec la santé publique humaine. Ce positionnement géographique constitue un atout majeur en recherche sur les maladies infectieuses tropicales ou émergentes, en liant observatoires du vivant en milieu tropical et infrastructures de diagnostic et de recherche performantes, avec un triple impact de protection sanitaire et économique des filières animales, de protection de la santé publique et d’avancée des connaissances scientifiques au bénéfice dépassant les limites régionales.
Dans ce numéro spécial DOM-TOM du Bulletin épidémiologique sont évoquées certaines des maladies animales présentes sur ces territoires, dont l’impact sanitaire ou l’évolution récente de la distribution mobilisent les gestionnaires de la santé animale et de la santé publique, les acteurs des filières animales et de la recherche. Un focus est également fait sur la place des DOM dans l’organisation et le fonctionnement de réseaux régionaux de santé animale, pour une meilleure maîtrise des problèmes sanitaires.
Le comité de rédaction